Exposition Fukami, l'esthétisme vue du Japon
Du 14 juillet au 18 août 2018, le sublime hôtel Salomon de Rothschild est le berceau de l'esthétisme japonais. Les Japonais ont de notions de la beauté, de l'infini et du renouveau différentes des Occidentaux, et les œuvres présentées dans cette exposition témoignent de ces notions avec modestie, majesté et de poésie, avec des techniques aussi bien traditionnelles que modernes.
J'ai longtemps hésité à écrire cet article à cause de mon manque de connaissances en art (et surtout en art contemporain). J'avais peur de faire défaut à cette exposition. Finalement, j'ai décidé que cette exposition était trop riche pour ne pas être partagée. Je ne suis ni critique d'art, ni experte, ni même journaliste, mais le but n'est-il pas tout simplement d'exprimer ce qu'on a ressenti, et ce qu'on a appris ? En un sens, c'est un peu le but de l'art, et une exposition réussie est celle qui conquit n'importe quel cœur.
J'ai eu la grande chance d'être guidée à travers les différentes salles de l'hôtel par Mme Yuko Hasegawa, commissaire et directrice artistique du musée d'art contemporain de Tokyo, ce qui a grandement aidé à la compréhension des thématiques de l'exposition et des œuvres exposées. Elle a su faire vivre chaque pièce et leur donner un sens. Si vous avez l'occasion d'aller à l'exposition, je recommande vivement de vous inscrire à une des visites guidées organisées tout le long de la journée (en français et en anglais). Il existe un livret d'exposition (gratuit) qui explique tout en détails de manière assez exceptionnelle qui est un bon complément de la visite. Vous pouvez vous baser seulement sur le livret mais je trouve certains passages assez indigestes et complexes à lire.

Pour commencer, pourquoi "fukami" ?
Fukami, en japonais 深み, peut être utilisé de plusieurs façons, mais il exprime la "profondeur". Quelque chose de vaste, d'un peu mystérieux, qui peut supposer implicitement le silence ('profondeur des mers' 海の深み) ou la sensibilité ('profondeur de mes sentiments' 感情の深み). C'est en sorte un peu les sentiments que peuvent nous inspirer cette exposition : mystérieuse, poétique, elle m'a inspirée le calme et l'émerveillement, elle m'a ému et m'a fait douter. Progressivement, sans qu'on ne se rende compte, nous passons de l'extérieur à l'intérieur, de la culture français à la culture japonaise. C'est véritablement une plongée dans cet art un peu mystérieux, un peu inconnu, mais qui pourtant fait résonner chez nous des échos familiers, et nous fascine car nous arrivons à comprendre cet esthétisme qui pourtant est bien différent de notre vision (française, occidentale) de la beauté et du monde.
L'exposition est ainsi décomposée sur 10 thèmes :
- Prologue - dualité des échos
- Exprimer les origines de la vie - déconstruction et transmission de l'animisme
- L'alchimie - transformer la matière, la perception
- Esthétique de la disparition - minimalisme
- Vers le Sud - la réactivation de la création par les marges
- Représentation du désastre et de la crise - les médias vers une nouvelle existence
- Renaissance répétée - renaissance de l'intangible
- Paysage subjectif - philosophie de la légèreté
- Hybridation - coexistence
- Métamorphose - épilogue
Maintenant, vous oubliez le titre de ces thèmes. Ils n'ont pas d'importance, ce ne sont que des mots. Allez voir cette exposition, ressentez, comprenez, réfléchissez. Chaque thème se base sur les principes du bouddhisme et du shintoïsme, sur la relation que les Japonais entretiennent avec la nature et les autres ; sur la notion du temps et de la place de "soi". L'infini pour les Français est la continuité de la même chose ; l'infini pour les Japonais est le renouvellement. L'exposition reflète bien cette compréhension différente, cette dualité entre nos deux visions. Ainsi, les pièces somptueuses de l'hôtel particulier, un petit joyau français du XVIIIème siècle de style haussmannien, font face à des œuvres minimalistes, très proches de la nature, très proches de la nature humaine, tantôt créatrice, tantôt destructive. Mais il ne faut pas voir ça comme des ennemis qui s'affrontent, mais plutôt comme deux facettes différentes, deux visages qui s'admirent et se dévoilent l'un à l'autre, qui apprennent à se connaître. C'est ce que j'ai ressenti lors de mon voyage à travers les pièces, et ça a aussi été une volonté de la commissaire : l'architecture française sublime les œuvres japonaises, et l'art japonais salue la technique française.
Cette
exposition accomplit avec brio l'état d'esprit des Japonismes 2018, en
faisant se (re)découvrir deux âmes, qui se complètent et qui apprennent
l'un de l'autre, tel des échos. Comme deux âmes en résonance.
Que
vous soyez grand passionné d'art (japonais ou non), ou comme moi un
non-initié en la matière, cette exposition est accessible à tout public
et offre des œuvres aussi bien traditionnelles avec une œuvre de Itô
Jakuchu, ou les laques de Shibata Zesshin, mais aussi plus
contemporaines - avec les peintures de Isson Tanaka sublimées par le
jardin de l'hôtel - et expérimentales avec "Foam" de Kohei Nawa (qui est
aussi l'auteur de Throne, la sculpture géante exposée actuellement à la
Pyramide du Musée du Louvre).
Pour résumer : allez-y.
Informations pratiques
Prix : 5€
Dates : du 14 juillet au 18 août 2018
Peut-on prendre des photos ? Oui sans flash (except. la salle des œuvres du laquier Shibata Zesshin et certaines œuvres dans la salle Jômon).
Taille de l'exposition : rez-de-chaussée, premier étage et sous-sol
Lieu :
Hôtel Salomon de Rotschild
11, rue Berryer
75008 Paris
Comment y aller ?
Métro 1 - Georges V puis 10 min à pieds
Métro 2 - Ternes puis 7 min à pieds
RER A & métros 1, 2 et 6 - Charles de Gaulle Étoile puis 7 min à pieds